Notre Histoire

La situation politique est plutôt tendue lorsque, fin 1982, le gouvernement de Jean-Marie Tjibaou propose un dispositif d'amélioration de l'habitat pour les communes de la côte nord-est de la Grande Terre. Ce sont deux hommes de Ponérihouen, Henri Wetta et André Gopoéa, l'un loyaliste, l'autre indépendantiste, qui vont convaincre les élus du bien fondé de ce projet.

Comme dans beaucoup de pays en voie de développement, l'habitat dans les communes de l'intérieur calédonien s'est transformé. Dans les tribus, les cabanes en tôle supplantent progressivement les cases traditionnelles et beaucoup de familles vivent dans des conditions précaires et le sentiment d'exclusion se renforce. Ni le FSH ni la SICNC ne peuvent intervenir pour ces populations, faute de garanties sur le foncier.

Avec le concours du sous-préfet Jean-François Denis, du Syndicat intercommunal à vocation multiple de la côte Est et des maires, Jean-Marie Tjibaou propose la mise en place d'un dispositif d'aide à l'amélioration de l'habitat pour les six communes adhérentes du SIVM : Pouébo, Hienghène, Touho, Poindimié, Ponérihouen et Houaïlou. Une étude est lancée fin 82 sous la conduite de M. et Mme Chenot qui ont travaillé en métropole sur l'évolution de l'habitat rural. Le projet est évoqué à l'Assemblée territoriale et c'est Henri Wetta qui le défend pour ménager les susceptibilités des élus de droite qui pourraient s'y opposer. Le principe d'une participation des communes complétée par une aide de l'Etat est acté. Un consensus dépassant les clivages politiques se dégage et les maires concernés souscrivent à cette volonté de travailler ensemble au bénéfice de la population.


Le nom de l'association est également donné par Henri Wetta. Teasoa évoque, en langue Païci, la remise en valeur d'un lieu d'habitat ou de culture laissé à l'abandon. Sa traduction en français sera Renouveau.Dès le départ, c'est l'option de l'auto-construction qui est choisie. Teasoa viendra en aide aux familles par l'apport de matériaux ou d'éléments de construction (sacs de ciment, tôles ou clins en bois, éviers, sanitaires…) en respectant l'organisation habituelle des maisons mélanésiennes en "coins" dédiés au feu, à la cuisine, à la douche, et en prodiguant les conseils techniques pour mettre en oeuvre ces fournitures… "C'était vraiment une expérience basique. On essayait de coller aux réalités des gens qui nous sollicitaient par le biais de leur mairie, mais pour qui l'habitat n'est pas forcément une priorité. Les questions de santé et de salubrité étaient déterminantes dans la constitution des dossiers" se souvient André Gopoéa.

L'association est placée sous l'autorité de Lucien Rebouillat, conseiller municipal de Touho et président du SIVM Est. Elle recrute Olivier Consigny qui sera chargé d'instruire les dossiers et de superviser les travaux avec Jean-Marie Nonquet et Maurice Wimian, issus des services techniques territoriaux. Jenny Meindu est affectée au secrétariat.

"Nous avons organisé des réunions dans les six communes et 113 tribus de la côte Est pour déterminer les familles parmi les plus mal logées. Le principe était que les bénéficiaires se procuraient le matériel, parfois avec l'aide des commerçants qui leur consentaient l'avance. La subvention n'était versée que lorsque les travaux étaient mis en oeuvre et contrôlés. Il était hors de question de distribuer gratuitement du matériel pour obtenir un résultat satisfaisant. Mais cette procédure était parfois très longue et elle n'avait aucune retombée pour le tissu artisanal local" rappelle Olivier Consigny.Avec l'aide de l'architecte Jean Brucy et du compagnon charpentier Alex Kensicher, les premiers modèles de Teasoa sont conçus pour produire des petits bâtiments collectifs dans les tribus. Des expériences sont également conduites pour construire des maisons en briques de terre crue, avec l'aide d'une presse importée pour fabriquer ces briques. Mais si Jean-Marie Tjibaou et Henri Wetta approuvent cette option, les habitants préfèrent obtenir des parpaings et des tôles pour disposer des mêmes maisons que les mieux nantis. En 1986, Teasoa sert d'exemple et apporte son concours à la création de structures équivalentes qui voient le jour pour les communes du centre de la Grande-Terre et des Iles Loyauté. L'année suivante, l'action de l'association est étendue aux communes du Nord-ouest. le principe de l'habitat social est désormais lancé dans l'Intérieur calédonien. Et si, comme le remarque encore aujourd'hui André Gopoéa, le logement demeure une préoccupation secondaire dans l'esprit de la population kanak, le paysage des tribus continue de se modifier avec ces nouvelles constructions de manière plus harmonieuse qu'il n'avait commencé à le faire à la fin des années 70.

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